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L’année suivante, elle irait donc à l’université de San Diego,
bien plus petite et bien plus proche – fait surprenant qu’un
reporter avait trouvé assez remarquable pour lui consacrer la
une du journal local (« Petit prodige snobe Yale au profit de
la fac régionale »). Photo de Sophie à l’appui. En découvrant
l’article, ses parents avaient littéralement paniqué… Non, le
terme n’était pas assez fort : plus de la moitié des règles de vie
qu’ils imposaient à leur fille lui évitaient avant tout de trop
«
attirer l’attention ». Faire les gros titres, c’était le pire de leurs
cauchemars. Ils étaient allés jusqu’à appeler le quotidien pour
se plaindre !
Ils étaient tombés sur un rédacteur en chef tout aussi mécontent
qu’eux, d’ailleurs. L’article sur Sophie avait été substitué par erreur
à un autre, consacré au pyromane qui terrorisait la ville – une
bévue dont ils essayaient encore de déterminer l’origine. Depuis
quelques semaines, d’étranges brasiers incandescents étaient
allumés par une main inconnue partout dans les environs. Ils
dégageaient une épaisse fumée à l’odeur de sucre brûlé. C’était le
mystère du moment, il passait donc avant tout le reste. Et surtout
avant l’histoire d’une gamine sans importance que la plupart des
lecteurs étaient trop heureux d’ignorer.
Enfin, jusqu’à présent.
À l’autre bout de la salle, Sophie remarqua justement le
journal de la veille, orné de son embarrassante photo en noir et
blanc. Il reposait entre les mains d’un garçon de haute taille aux
cheveux bruns, apparemment plongé dans sa lecture. Soudain,
l’inconnu leva la tête et la regarda droit dans les yeux.
Elle n’avait encore jamais vu des iris de cette couleur – d’un
bleu-vert pareil à celui des morceaux de verre poli qu’elle ramassait
sur la plage –, si clairs qu’ils miroitaient. Elle surprit une étrange
expression sur son visage lorsque leurs regards se croisèrent. De la
déception ?