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Il ne détestait pas Hideki. Effectivement, il arrivait
souvent à ce dernier de parler et d’agir sans réfléchir, mais il
mordait la vie à pleines dents. C’était sa façon d’être.
On ne s’ennuyait jamais quand Hideki était là.
Deux semaines après son entrée au lycée, le conseiller
d’éducation lui avait ordonné de raser sa barbe de trois jours.
Il avait eu beau protester, le fonctionnaire était resté ferme, lui
annonçant qu’il serait renvoyé temporairement s’il n’obéissait
pas dès le lendemain.
Le jour suivant, Hideki n’avait rasé que la moitié droite
de son visage. Le conseiller d’éducation était entré dans la salle
pour vérifier, mais, décontenancé, s’était contenté de repartir
en grommelant :
—
Fais comme tu veux !
Toute la classe avait explosé de rire et Hideki avait
déclaré fièrement :
—
Quoi, ça me va bien, non ? Et puis je me suis rasé
comme il l’a ordonné. Même lui n’a rien trouvé à y redire !
Hideki était le fils unique du PDG d’une entreprise de
construction célèbre dans la région. Tout le monde s’attendait
à ce qu’il suive les traces de son père et entre dans la compagnie
de celui-ci à la sortie du lycée.
Ses camarades le regardaient avec des yeux où se mêlaient
à la fois jalousie et envie. Après tout, c’était une vie de chef
d’entreprise à l’abri du besoin qui l’attendait.
Hideki apportait souvent des magazines automobiles en
classe.
—
Mon vieux a promis de m’acheter une BMW Série 7
quand j’aurai fini le lycée, se vantait-il auprès des autres élèves.
—
On ne choisit pas sa famille, murmura Nobuaki en
fermant les yeux, avant de sombrer presque aussitôt dans le sommeil.