12
tendit le bras pour attraper le sac qu’elle y avait caché un peu
plus tôt dans la soirée. Entraînée par son propre poids, elle faillit
tomber de son perchoir précaire, mais ses doigts rencontrèrent
enfin la besace. Elle s’en empara d’un geste vif et la tira vers elle.
Sans poser pied à terre, le nez froncé dans la puanteur des
détritus, elle fourra à la hâte sa robe dans le sac et en sortit un
second ballot, plus petit. Cette nouvelle prise, déballée avec
précaution, dévoila une paire de gants à crispin en daim, une
cagoule, de fins chaussons de cuir noir et une ceinture. Les
nombreuses poches et sacoches de cette dernière renfermaient,
entre autres, un morceau de chandelle, un briquet à amadou
utilisable d’une seule main, un petit marteau et le trousseau de
passe-partout et de crochets métalliques le plus complet qu’on
puisse trouver sur n’importe quel marché, fût-il noir. Et enfin,
l’instrument qu’elle n’employait qu’en dernier recours : une
rapière à la lame noircie au charbon et à l’encre, dont elle avait
ôté la garde afin de pouvoir la porter à plat dans son dos.
Elle replia soigneusement le petit sac de couleur foncée qui
avait enveloppé son matériel et le passa sous sa ceinture. Quant au
gros sac – qui contenait la robe, les bijoux et tout ce qui identifiait
Madeleine Valois –, il resterait caché au fond de la venelle.
Quelques inspirations rapides pour recouvrer son calme,
et la jeune femme levait les bras pour s’accrocher au surplomb,
juste au-dessus de sa tête. Elle l’empoigna fermement, détacha
ses jambes du mur opposé et les remonta avec souplesse. Tout
le poids de son corps pesait sur ses mains agrippées à l’auvent.
Ses muscles abdominaux (quoique toniques après des années
de pratique) eurent beau protester sous la douleur, ses pieds,
puis ses genoux, parvinrent à franchir le rebord de la toiture et
s’enroulèrent au-dessus de sa tête. Une dernière traction sur ses
bras tendus par l’effort, et elle se retrouva à plat ventre au bord
du toit de la cave à vins.