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Car Madeleine Valois n’était autre qu’Adrienne Satti. Il
tenait là un renseignement que son employeur – le vrai, pas cette
stupide fouine de baron – ne manquerait pas de récompenser
grassement.
*
Pour les sans-grade qui vivaient en marge de la loi dans
les taudis des bas quartiers, et pour les membres de ce qu’on
appelait la guilde des Dénicheurs, la jeune femme ne s’appelait
ni Madeleine, ni Adrienne, mais Widdershins, simple voleuse
parmi des centaines d’autres. Ce soir-là, Madeleine avait
admirablement joué son rôle. Le moment était désormais venu
pour Widdershins d’entrer en scène.
À deux rues au sud du domaine Doumerge, coincée entre
une grande boulangerie et une cave à vins, s’ouvrait une étroite
venelle presque invisible dans la pénombre de cette heure
tardive. Encombrée des ordures des deux établissements, que
les employés sous-payés de la cité ne ramassaient qu’une fois par
semaine, elle ne suscitait aucun intérêt chez les rares passants à
la remarquer.
À cet instant précis, cependant, elle accueillait une popu
lation anormalement dense : une personne en tout et pour tout.
Madeleine avait quitté le boulevard et s’enfonçait petit à petit
dans l’allée dans une position bien étrange pour une demoiselle
de qualité. Les genoux pliés, le dos appuyé à la façade latérale
du magasin vinicole, elle avait calé ses deux pieds contre les
briques du mur d’en face et se glissait peu à peu par-dessus
les immondices nauséabondes. Sa robe, coincée sous son bras
gauche, reposait sur ses genoux : elle portait désormais une
combinaison noire en tissu et cuir souple, dissimulée jusque-là
sous le velours vert. Lorsqu’elle atteignit le fond de la ruelle, elle