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Très ralentie, la jeune femme vêtue de noir remonta le couloir à
pas lourds, et non sans précautions. Car le voleur le plus persuasif
aurait peiné à convaincre un sac d’or de ne pas faire le moindre
bruit. Olgun lui-même ne pouvait étouffer les tintements que dans
une certaine mesure. Lorsqu’elle eut regagné la relative sécurité du
bureau, Widdershins risqua un coup d’œil par la fenêtre, mais se
rendit aussitôt compte qu’elle rechignait à partir si vite. L’étalage
de mauvais goût de Doumerge lui avait vraiment hérissé le poil,
et une irrésistible envie l’avait saisie de manifester son irritation.
Peut-être éprouvait-elle aussi de la colère à se voir ainsi
rappeler ce qu’elle aurait pu devenir. Si tel était le cas, elle n’en
souffla mot et son divin compagnon préféra se taire.
Tandis qu’Olgun, impatient, tapait du pied – un pied
imaginaire, naturellement –, la jeune femme reprit son examen
des livres et des parchemins posés sur le secrétaire. Nul besoin
d’une bougie à présent, le ciel était assez clair pour y voir
distinctement. Elle allait trop loin et jouait avec le feu, elle le
savait, mais, par les dieux (enfin, par
un
dieu, tout au moins), elle
ne partirait pas avant d’en avoir terminé. Et elle savait qu’Olgun,
malgré sa hâte de partir, lui donnait raison, au fond.
Widdershins s’empara d’une plume qui traînait non loin de là
pour la plonger au fond de l’encrier posé sur le petit bureau, et elle
raya consciencieusement plusieurs dizaines de chiffres et de totaux
dans le grand livre. Des jours, voire des semaines, seraient nécessaires
à cette crapule cupide pour refaire tous ses calculs. Puis la voleuse
sauta plusieurs jours dans le livre de comptes et griffonna en travers
d’une page, à la hâte mais d’une écriture bien lisible, sonmessage :
Merci pour l’or, Monsieur le baron. J’en jouirai mieux que vous,
je n’en doute pas. Mais voyez le bon côté des choses : désormais,
vous ne serez plus tenté d’aller le dépenser en plaisirs alors que vous
devriez être chez vous en train d’ équilibrer vos comptes.
