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L’adolescente sortit sur le porche et scruta les ténèbres
grandissantes. L’heure du dîner approchait. Le vent fraîchissait,
apportant avec lui une odeur de pluie. Dans sa main, le livre
semblait fourmiller un peu, comme impatient d’être lu.
*
Nita prit un raccourci pour rentrer chez elle en courant.
Elle remonta Rose puis Washington Avenue, avant de couper
à travers la ville le long de Nassau Road et East Clinton Street
–
un chemin censé semer tout poursuivant. Elle ne s’attendait
pas à trouver la meute en embuscade à une rue de chez elle, sans
moyen de les contourner, sans possibilité de repli. Et quand
les six furies en eurent fini avec elle, son œil jusque-là épargné
avait lui aussi viré au noir, et son genou, consciencieusement
écrabouillé par Joanne, semblait avoir triplé de volume.
Nita resta un long moment étendue à l’endroit même
où la clique l’avait laissée, derrière la haie des O’Donnell,
absents ce jour-là. La joue collée au sol, elle laissa couler ses
larmes. Elle aurait préféré mourir que de sangloter devant ses
tourmenteuses, et ne s’autoriserait à pleurer de nouveau qu’une
fois bien au chaud dans son lit, loin des oreilles de sa famille.
Même s’il y avait surtout beaucoup de chances qu’elle se soit
calmée d’ici là…
Ces derniers temps, ces incidents avaient tendance à se multi
plier sans même qu’elle les déclenche. Joanne et sa troupe le
savaient : Nita n’aimait pas se battre et n’osait riposter que dans
un accès de rage. Bien sûr, la colère l’empêchait alors de lutter
efficacement
–
quand la douleur ne lui faisait pas oublier tous les
cours de self-defense qu’elle prenait depuis des mois. La bande