26
—
Alors pourquoi est-ce qu’on se cache ? chuchota-t-elle
d’une voix qui, à sa grande irritation, tremblait un peu.
—
Nos vêtements. On est habillés comme des humains, or
ils sont bannis des Cités perdues. En particulier ici, à Lumenaria,
le carrefour où se rencontrent tous les peuples : gnomes, nains,
ogres, gobelins, trolls…
L’esprit épuisé de Sophie refusait d’imaginer les êtres qu’il
énumérait. Elle préféra se concentrer sur une question plus
importante.
—
Pourquoi avoir rejeté les Hommes ?
Il lui fit signe de le suivre jusqu’à un rocher qui offrait un
meilleur abri. Ensemble, ils se tapirent derrière.
—
Ils nous ont trahis. Les Anciens Conseillers leur ont
proposé le même traité qu’aux autres créatures intelligentes, et
les humains l’ont accepté. Puis ils ont décidé qu’ils voulaient
dominer le monde… comme s’il leur appartenait ! Ils ont
comploté pour préparer une guerre. Les Anciens, qui refusaient
par principe la violence, ont rompu tout contact avec eux. Ils ont
interdit à quiconque d’approcher les Hommes, qu’ils ont laissés
maîtres de leur destin. Beau résultat, d’ailleurs !
Sophie, qui avait ouvert la bouche pour défendre son espèce, la
referma aussitôt. Ce point de vue pouvait se comprendre : guerres,
famines, criminalité… la liste des maux humains était sans fin.
Et puis… pouvait-elle vraiment y penser comme à son
espèce ? Si Fitz ne lui avait pas menti, elle n’était même pas des
leurs. Cette idée la glaçait jusqu’aux os, bien plus que le vent froid
qui lui rosissait les joues.
—
Après notre disparition, les histoires colportées par les
quelques humains que nous avions fréquentés ont dû sembler
complètement irréalistes à leurs descendants. C’est de là qu’ont
germé les légendes un peu folles que tu connais. Mais la vérité,
tu l’as sous les yeux, Sophie.