Page 20 - Widdershins

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Une bonne nouvelle, donc. La mauvaise ? Sa connaissance
des lieux s’arrêtait là, puisqu’elle n’avait pas eu l’occasion
d’explorer l’étage.
Ouvre l’œil, les oreilles… enfin tout ce que tu voudras !
intima-t-elle à Olgun de ce chuchotement presque inaudible
qu’elle employait toujours à son intention.
Restée aux aguets une minute entière afin de s’assurer qu’elle
n’entendait rien d’autre que les battements de son propre cœur,
Widdershins sortit de l’une de ses sacoches le briquet à amadou
et le morceau de chandelle, puis fit jaillir des étincelles jusqu’à
ce que la mèche prenne feu. Alors, dos à la fenêtre, elle balaya la
pièce du regard.
Un fauteuil au rembourrage confortable, un lourd secrétaire
en acajou couvert de parchemins de toutes tailles et une biblio­
thèque rencognée contre le mur du fond et qui croulait sous
les livres : elle se trouvait de toute évidence dans le bureau de
Doumerge. Mue par une soudaine curiosité (la sienne ou celle
de son hôte et allié, elle n’aurait su le dire), la voleuse-devenue-
aristocrate-redevenue-voleuse feuilleta en vitesse la pile de
documents la plus proche. Rien de très intéressant : divers
calculs de la valeur de tel produit ou tel marché et des lettres de
recommandation sans doute destinées aux serviteurs chargés de
quelque course pour le compte du baron. Sans oublier plusieurs
ébauches successives d’un poème romantico-épique apte tout à
la fois à faire grincer des dents, à abrutir le cerveau et à racornir
l’âme – au point que la Garde aurait pu s’en inspirer pour ses
méthodes d’interrogatoire. Widdershins murmura un « Beurk ! »
de dégoût, laissa retomber le parchemin et se dirigea vers la porte,
comme si elle craignait que les rimes bondissent de la page pour
la poursuivre en hurlant dans le couloir.
Elle posait la main sur la poignée lorsque Olgun poussa un
cri d’alarme. Un hoquet de surprise échappa à la jeune femme,