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qui recula. D’instinct, plus discrète qu’une souris, elle souffla sa
bougie et s’évanouit dans l’obscurité de la pièce, tel un fantôme
insaisissable.
Des bruits de pas étouffés se rapprochèrent dans le couloir et
marquèrent une courte pause devant le bureau. La jeune femme,
aussi immobile que les statues du parc, retint sa respiration. Les
pas reprirent leur chemin et s’estompèrent.
—
Merci, chuchota-t-elle à son protecteur invisible. Mais ce
n’était pas la peine de crier.
La réponse d’Olgun dénotait une sérieuse inquiétude.
—
Oui, c’est vrai… j’aurais dû faire plus attention ! Les
erreurs, ça arrive, non ? Je t’ai déjà remercié ! protesta-t-elle en
élevant un peu la voix. Qu’est-ce que tu veux de…Quoi ? Mais
bien sûr que si, je le pensais ! Oh, très bien ! C’est la dernière fois
que je me fends d’un remerciement, tu peux toujours courir !
Widdershins colla une oreille contre la porte : cette fois, elle
ne voulait prendre aucun risque.
—
Quel vieux rabat-joie, celui-là ! grommela-t-elle avant
d’actionner la poignée de sa main gantée. On se croit supérieur,
tout ça parce qu’on est un dieu…
Sans cesser de marmonner – dans sa barbe, bien sûr, afin
que seul Olgun puisse l’entendre –, elle se faufila dans le couloir.
Elle était prête à fouiller les pièces une par une si nécessaire pour
dénicher sa cible, mais, cette nuit-là, la tâche se révéla aisée.
Inutile de sillonner tout le manoir en quête de la chambre à
coucher du baron Doumerge : pour le trouver, il suffisait de
suivre ses prodigieux ronflements.
Enfin, à supposer que ce soit vraiment la nature du
vacarme qu’elle entendait. Car, à en juger par le volume sonore
–
impressionnant – et la variété des tons adoptés – extrême –, on
aurait pu croire qu’un bûcheron très enrhumé s’attaquait à un
bosquet d’arbres à grands coups de boutoir.