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creusées à même la roche. La jeune fille boucha le siphon du plus
grand des bassins, qu’elle laissa se remplir d’eau chaude avant de
se tourner vers son armoire.
Quand elle en ouvrit la porte, un sourire se dessina sur son
visage : comme toujours, les rouages d’horlogerie s’enclenchèrent
aussitôt et un miroir descendit le long du panneau de bois. Une
cohorte d’étoiles métalliques se mit à tournoyer, reproduisant
tour à tour les motifs de différentes constellations. Sur la face
intérieure de l’autre battant, au gré de la rotation d’un cylindre de
métal frappé par des poinçons d’acier, s’égrenaient les notes d’une
petite mélodie rêveuse. En face du mécanisme, deux minuscules
danseurs automates esquissèrent quelques pas sur l’allegro du
Quintette pour harpe
d’E. T. A. Hoffmann.
Cette penderie lui avait été offerte par Ash, Jack, Meg et Birch
à l’occasion de son seizième anniversaire. Un somptueux cadeau
qui l’avait laissée sans voix… et avait relancé les spéculations sans
fin de Charlotte au sujet de Jack. Le jeune homme suscitait en effet
chez elle mille interrogations.
Il avait débarqué soudainement dans leurs vies, un peu moins
d’un an plus tôt, au détour d’une mission de reconnaissance
menée par Ash. D’ailleurs, à y repenser, leur chef avait beau
jeu de reprocher à sa sœur d’avoir ramené un intrus au bercail
quand lui-même ne s’était pas gêné pour le faire si peu de temps
auparavant.
Charlotte laissa les portes de l’armoire ouvertes pour pouvoir
profiter de la musique. Elle referma le robinet rêveusement, glissa
les mains avec délices dans l’eau brûlante et se replongea avec un
soupir dans ses pensées.
Bien sûr, à l’époque, les circonstances entourant l’arrivée
de Jack avaient été bien différentes. D’un côté, un prétendu
amnésique, de l’autre, un garçon déterminé à fuir les épreuves
d’une vie de labeur sous le joug des tyrans. Lorsqu’il avait
surgi, vêtu de l’uniforme en cuir calciné de la Grande Fonderie