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– l’immense complexe industriel où travaillaient jour et nuit les
ouvriers de New York –, pour demander asile aux rebelles, Ash
l’avait accueilli au sein du petit groupe sans la moindre question.
Les deux garçons avaient vite sympathisé et passaient depuis leur
temps fourrés ensemble, ce qui exposait en permanence Charlotte
aux sarcasmes de Jack.
En effet, dès les premières semaines, l’un et l’autre étaient
entrés en guerre ouverte. En l’absence de ses parents, Charlotte
avait toujours été très proche d’Ashley. L’irruption d’un nouveau
confident dans la vie de son frère avait laissé la jeune fille sur la
touche, délaissée. Lorsqu’elle s’en était plainte, Ash avait rétorqué
que la présence de Jack représentait pour eux un atout dont elle
n’avait pas idée, et qu’elle ferait bien de s’y habituer. Pour se
venger, elle s’était bien entendu livrée à un bizutage en règle, à
coup de fausses indications pour qu’il se perde dans les boyaux
des Catacombes ou de convocations imaginaires dans l’atelier
de Birch au beau milieu des expériences les plus explosives du
rétameur.
Mais ces efforts, pourtant héroïques, n’avaient servi qu’à attiser
l’attention et les taquineries de Jack. Leurs moqueries réciproques
se transformaient de plus en plus souvent en affrontements
verbaux, jusqu’à ce que Charlotte vocifère finalement un ulti
matum : c’était elle ou lui ! Elle ne supporterait pas sa présence
une seconde de plus.
Voyant que ni son ami ni sa sœur n’étaient prêts à céder, Ash
leur ordonna de trouver le moyen de s’entendre s’ils ne voulaient
devoir partager une chambre – indéfiniment. Une menace qui
laissa Charlotte livide et Jack en proie au fou rire.
La jeune fille s’était donc enfermée dans ses quartiers pour
attendre que passe la folie de son frère. Le lendemain matin, Jack
l’avait prise au dépourvu en se présentant à sa porte avec un gage
de réconciliation : des replis de son long manteau de cuir, il avait
sorti une boîte en acier carrée au couvercle orné de vignes en fleurs.