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Chapitre 2
L
orsqu’ils atteignirent l’arbre, les derniers rayons du soleil
s’insinuaient à travers le feuillage. Charlotte mit un genou
en terre. Elle effleura l’écorce des racines enchevêtrées,
cherchant à tâtons un subtil changement de texture.
— Bon sang ! souffla-t-elle.
Le juron fit sursauter son compagnon. Elle haussa un sourcil
amusé, ce qu’il ne vit pas : elle lui avait bandé les yeux avec un
foulard aussitôt que les Cueilleurs lui avaient semblé assez loin
pour permettre au duo de fuyards de ralentir leur course.
Le visage renfrogné, le garçon s’absorba un court instant dans
la réflexion.
—Un tel langage ne sied pas à une jeune fille… finit-il par
énoncer doctement. C’est ce qu’on m’a dit… Enfin, je crois…
Même s’il semblait fuir les Anglais, elle ne pouvait se permettre
de dévoiler à un parfait inconnu le chemin des Catacombes. Les
tentatives de l’Empire pour découvrir l’emplacement de leur refuge
s’étaient limitées, jusque-là, à une poignée de corbeaux-espions et
quelques escouades de Cueilleurs, tous rentrés bredouilles. Que
les Britanniques s’abaissent à présent à leur envoyer une taupe
afin de les débusquer restait possible, même si peu probable. Un
garçon comme celui-là, d’allure si vulnérable, ferait un parfait
agent infiltré. Si c’était bien le cas, Charlotte ne se pardonnerait
jamais de s’être laissé duper.
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