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se mit à scintiller : le tapis de verdure qui recouvrait roches et
cailloux avait laissé place à une variété de mousse bioluminescente
spécifiquement cultivée par Birch pour éclairer le chemin qui
menait aux Catacombes.
Charlotte aurait boulu pouvoir ôter le bandeau qui recouvrait
les yeux de son prisonnier. Pénétrer dans ce passage, à chaque
fois qu’elle rentrait chez elle, ne manquait jamais de lui mettre
du baume au cœur. Non seulement elle retrouvait son foyer, mais
le jade chatoyant du boyau souterrain avait le don de la ravir. Un
tel spectacle aurait sans doute rassuré son compagnon, qui aurait
compris qu’il entrait dans un refuge, et non une zone dangereuse.
Au bout de quelques pas, elle tourna dans une galerie latérale
étroite, qui au premier regard semblait une simple tache d’ombre
due au tumulte de la cascade. Dans la cavité qui serpentait en
zigzags, la mousse luisante qui tapissait les murs jusque-là cédait
désormais la place à une petite forêt de champignons. Leurs longs
pieds et leurs chapeaux en forme d’ombrelles, qui brillaient d’une
lumière bleue et non plus verte, plongeaient le passage dans une
éternelle semi-obscurité.
Le garçon ne pipa mot, mais à la façon dont il lui étreignait la
main, Charlotte devina que sa peur ne s’était pas calmée.
—On y est presque ! chuchota-t-elle avant de serrer plus fort
les doigts effilés de son compagnon.
Elle fut récompensée par un sourire hésitant.
Le couloir déboucha tout à coup sur une vaste grotte. C’est là
que se cachait le trésor que recelait la monumentale chute d’eau. Un
refuge, l’un des seuls lieux qui échappait encore au regard inquisiteur
du tout-puissant Empire. De l’extérieur, on pouvait croire que la
cascade dévalait un pan de pierre solide, mais en réalité, plusieurs
mètres derrière elle, le flanc rocheux était rongé par tout un réseau
de cavernes – pour certaines, des tunnels étroits comme celui dont
les deux fuyards venaient d’émerger et, pour d’autres, d’immenses
espaces ouverts, assez spacieux pour accueillir un dirigeable.